En abordant le non-recours, la journée de la Plateforme a engagé une réflexion sur la citoyenneté et la justice sociale. Pierre Mazet (Odenore), en conférence introductive, est revenu sur les différentes définitions du non-recours (cf. ci-dessous) mais il a surtout affirmé que le non-recours est en quelque sorte un rapport à l'État et à la chose publique, dans le fait de recourir ou non à un service ou une prestation. Quatre facteurs caractérisent le non-recours : le non-rcours dû à l'allocataire, dû au traitement institutionnel des demandes, un marqueur d'intensité et un marqueur de durée.
La question du non-recours aux droits, comme aux services en général, est une préoccupation contemporaine, liée d’abord à l’évaluation des politiques publiques - savoir ce que l’on fait - et ensuite à l’émergence du souci de l’équité et de la justice. S’il est apparu en France à la fin des années quatre-vingt-dix, le concept de non recours a été créé en Angleterre dès les années cinquante et repris aux États-unis une décennie plus tard. Les réponses institutionnelles obéissent à des logiques tant sociales qu’économiques pour ajuster politiques publiques et dispositifs, les rendre visibles ou lisibles, tout autant qu’elles peuvent aussi les remettent en cause par leur manque d’intérêt pour les populations elles-mêmes. C’est la loi de 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions qui entérine le non-recours aux prestations sociales dans le droit français.

Pour Pierre Mazet, le non-recours à toutes les prestations auxquelles un individu aurait droit est rarissime, il y a plutôt des non-recours partiels, pour telle ou telle prestation. La complexification des droits et leur connaissance, y compris par les travailleurs sociaux eux-mêmes, sont des facteurs facilitant le non-recours. L'anticipation de la finitude de l'offre par les travailleurs sociaux, leurs représentations des publics qui, en toute bienveillance, leurs font offrir ou non des prestations auxquels ils auraient de toute evidence droit, participent aussi des décisions et des possibles pour l'avenir à la place de l'autre.


Quatre tables rondes thématiques se sont ensuite succédé.

 

Les politiques publiques peuvent changer les choses

La première a abordé la situation générale du non-recours aux droits et services telle qu’elle peut être mise en évidence dans la région. Jacques Mukanya, représentant des personnes accueilies (CCRPA) a rebondi sur le manque d'informations des travailleurs sociaux mais aussi des bénévoles des associations caritatives et sur la lourdeur administrative qui décourage ceux qu'il a qualifié de "population des silencieux".  Les formations qu'il a appelé de ses voeux pour améliorer l'accès aux droits ont fait échos aux propos de Chantal Ledoux (ARS) et de Christine Jaafari (DRJSCS). De la place de leurs institutions, elles ont mis en évidence les essais de coordination des acteurs, la formation des bénévoles ou encore la nécessité de faire évoluer les modes d'intervention de façon complémentaires. Les dispositifs existent cependant pour faciliter l'exercice des droits : ateliers santé ville, permanences d'accès aux soins de santé (Pass), logement, schémas départementaux de la domiciliation pour les personnes sans domicile fixe...

La nécessité de simplifier les démarches parait comme une évidence, tout comme celle d'un dossier unique partagé, comme cela est le cas en Belgique comme l'a rappelé Pierre Mazet. Pour Alain Chelloul (Cpam 02), les institutions ont à faire leur mea culpa à ce sujet : mêmes documents demandés plusieurs fois, documents différentes demandés selon les agents pour une même aide, attestation de dépôt demandé par les allocataires, etc., même s'il s'est montré positif avec une regression du nombre d'assurés sociaux dans l'Aisne qui est passé de 2,5 % à 1,4 % en quelques années.

La nécessité voire l'obligation de passer par internet pour effectuer de plus en plus de démarches risque de creuser davantage la fracture numérique. Christine Jaafari a relevé que l'administration a créé beaucoup d'injustice en travaillant de manière horizontale et qu'il faudrait développer un réel partenariat ; à condition que chacun apporte au partenariat ses compétences et ne cherche pas à devenir le leader, a renchéri Alain Chelloul. Le mot de la fin pour Chantal Ledoux : "Les politiques publiques peuvent changer les choses, pas les administrations qui appliquent les règles !

 

 

Logement : rendre acteurs les personnes

En après-midi, la première table ronde a travaillé plus spécifiquement sur le non-recours au logement. En introduction, Bernard Lacharme, ancien secrétaire général de XXX a rappelé les enjeux du droit au logement, notamment par la loi Dalo (Droit au logement), par la nécessité de pouvoir se loger dans le parc social, et par le recours des commissions de coordination des actions de prévention des expulsions (Ccapex).

Les acteurs associatifs du logement, Michel Giverdon (SIAO Somme) et Hélène Bernard (Tamden Oise), ont revendiqué pour les personnes allocataires le droit au respect de la part des travailleurs sociaux et des institutions. Pouvoir de dire non à un logement non satisfaisant ou dans un quartier non désiré,  c'est, pour Hélène Bernard, pouvoir aussi se rendre digne en montrant l'inadéquation de la solution proposée, alors même que le refus peut rendre plus difficile l'accès au droit. Pour Michel Giverdon, le travail social doit donc intégrer un travail coopératif pour disposer de réponses adaptées et en temps opportun. Pour l'un comme pour l'autre, les pratiques sociales doivent être interrogées pour rendre acteurs les personnes.

De leur côté, les institutoons sont revenues sur la nécessité de coordination et de démarches partenariales. Michel Dazin (Caf 02) a pu exposer le travail avce l'agglomération et la Caf, la première organisant la visite des logements tandis que la seconde met à la suite les dispositions de la loi Allur en pratique. Mais, convient-il, la logique des besoins individuels est peu compatible avec celle de l'administration. Pour Corinne Badaud (DDCS 02), l'absence de ressources rend difficile l'accès au logement, d'une part, et l'absence de sollicitations de ce public qu'elle qualifie "d'invisible" rend les situations catastrophiques, d'autre part. Un partenariat entre les secteurs de l'hébergement et du logement devient indispensable. Christine Jaafari (DRJSCS) pose aussi le constat de la faiblesse des ressources qui rend imposible un logement dans le secteur privé et propose une politique d'appel à projets pour des logements à bal seuil de quittance et pour mobiliser l'innovation afin d'offrir des logements particuliers, comme pour des personnes présentant des trounles psychiatriques. Elle suggère de travailler dans la transversalité et non en dispositifs.

 

 

 

Aller vers les personnes : une démarche nécessaire pour les institutions de santé

En introduction de la table ronde sur le soi, sur le soin, Emilie Fauchille et Anne Lefevre (OR2S) ont synthétisé l'étude qualitative menée sur le non-recpurs aux soins dans trois territoires picards avce l'aide du conseil régional de Picardie. Elles mettent en évidence une double stratégie expliquant le non-recours : intrinsèque, due à de faibles ressources financières, à la santé non vécue comme un problème prioritaire,à l'illettrisme, à la peur, et exogène, liée à une mauvaise infrastructure de transports, à un maillage lâche de l'offre de soins ou à une relation patients-professionnels de santé entâchée d'a priori.

Yves Duchange (ARS) a examiné cela à la lumière de la réduction des inégalités sociales de santé qui implique une stratégie institutionnelle, notament pour ramener vers le soin les personnes les plus éloignées, pour répondre au maillage lâche par la création de maisons de santé pluri-professionnelles, ce qui pourrait améliorer la coordination et la prise en charge globale des patients. L'articulation entre les contrats locaux de santé et les contrats de ville est aussi une opportunité à saisir en milieu urbain. Une opportunité aussi qu'il défend est de pouvoir créer des filières d'excellence en santé pour accompagner les bons élèves des quartiers vers des métiers de santé, leur connaisance du milieu et des codes sociaux leir permettrait de mieux accompagner les personnes. Pour Pascale Keush (centre hospitalier de Beauvais), porte-parole des seize permanence d'accès aux soins de santé (Pass), de nombreux freins persistent pour le recours aux soins, dont des freins administratifs, financiers, culturels, linguistiques et géographiques. Elle milite pour un partenariat extra-hospitalier pour aider au répérage et à l'orientation vers le système de soins des persones en grande difficulté, particuliièrement pour les personnes atteintes de troubles psychiatriques. Elle milite aussi pour un investissement intra et extra-hospitalier, notamment pour l'harmonisation des pratiques.

En présentant le Pacte pour le bien-vivre, Danièle Terlat (CCAS Amiens) a mis en évidence la lutte menée contre l'isolement des personnes par la mise en œuvre d'un système de visites à domicile pour ne pas couper les liens sociaux. Cette approche qu'elle a décrit comme "au fil de l'eau" permet de maintenir des contacts physiques. Ouvert depuis septembre 2015, l'observatoire des fragilités permet, selon Bruno Goethals (Carsat) de disposer des données de l'Assurance maladie comme outil d'aide à la décision mais aussi au repérage. Pour lui, il faut qu'à partir des données personnelles, des offres puissent être faites aux personnes les nécessitant, mais sans aller au-delà de ce qui pourrait être vécu comme une intrusion dans la vie de tout un chacun.

 

 

Un non-recours à la prévention systèmatique pour les personnes en grande précarité

Enfin, la dernière table ronde évoquait le non-recours à la prévention. Bruno Sanchez (SIAO Aisne) a mis en évidence, avant de parler de prévention, les difficultés d'accès aux médecins à cause d'une paupérisation des services médicaux dans le département de l'Aisne. Le repérage des problèmes de santé est un enjeu majeur des acteurs de terrain, tout comme le délai pour prise en charge, comme pour la psychiatrie avec les CMP. Semir Guerfali (Coallia Aisne) estime, pour sa part, qu'en ce qui concerne les personnes en grande précarité, elles ne sont ni en demande de soin, ni en demande d'action de prévention comme le dépistage voire un analyse sanguine . La résistance à la douleur est l'une de leur caractérisque. Il indique ainsi que sur les trois cents personnes hébergées dans les dispositifs d'urgence, moins de 20 % étaient dans un processus de soin, dont à peine la moitié accède à des soins préventifs (dépistage). Revenant sur le dépistage organisé du cancer du sein, Jean-Luc Watteau (Aisne Preventis) indique que parmi les 335 femmes relevant de la CMU-C ayant répondu à l'enquête, 75 % n'ont pas réalisé de mammographie depuis deux ans. Les principaux freins en sont le manque de temps, l'oubli, la négligence, la peur, le sentiment d'être en bonne santé...

Laurence Moutiez (conseil régional) place l'action du conseil régional dans la double perspective de l'aménagement du territoire et de la réduction des inégalités sociales de santé. Suite aux forums santé organisés dans les pays de la région, sur la base de diagnostics territoriaux réalisés par l'OR2S, les centres sociaux et les CCAS ont été identifiés par la région comme vecteurs d'actions de prévention, au croisement de l'action sociale ; au-delà des actions de prévention pouvant être menées dans les maisons de santé pluriprofessionnelles ou en relation avec les communautés de communes. 

Henriette Noël, représentant le groupe santé-social de la Somme co-animé par la DDCS de la Somme et l'ARS, montre que les  travaux du groupe seengzge dasns la construction d'un continuum soin, prévention et médico-social autour de deux axes : accès aux droits et soins et la précarité. Il ne s'agit pas de créer une nouvelle offre, mais plutôt de coordonner et fédérer les acteurs autour des notions de parcours de l'usager et "allez vers les usagers". Ce groupe santé-social a été décliné dans l'Aisne et dans l'Oise.

Enfin pour Amandine Dejancourt, les contrats locaux de santé sont des outils de contractualisation qui visent apporter des réponses les plus adaptées aux besoins des populations, notamment par une mobilisation des acteurs de terrain. Des quatre CLS signés, trois sont urbains, un rural. Pour ce dernier, la priorité a été de faciliter l'accès à la prévention, alors que pour les autres, la priorité était plutôt sur le recours à la prévention. Ces contrats devraient reposer sur des diagnotics suffisamment fins pour recenser des besoins de prévention et de promotion de la santé, et des acteurs afin d'inscrire les actions dans un parcours de vie des personnes, prenant en compte l'ensemble des autres facteurs : éducation, environnement, logement, relations sociales, travail. Elle conclut sur la nécessité de réellement faire converger les politiques publiques afin de rejoindre l'objectif de réduire les inégalités sociales de santé.

 

 

 

 

 

 Les quatre types de non-recours
             

L’observatoire des non-recours aux droits et aux services (Odenore, Grenoble) a défini les différentes situations dans lequel ne s’exerce pas le recours aux droits et services.

Non-recours par non-connaissance : l’offre n’est pas connue.

Non-recours par non réception : l’offre est connue et demandée, mais n’est pas perçue.

Non-recours par non-demande : l’offre est connue, mais n’est pas demandée

Non-recours par non-proposition : l’offre n’est pas proposée par les intermédiaires sociaux.

Tout le monde peut être dans une situation de non recours, mais les populations en situation de précarité y sont plus fortement exposées, parce qu’elles sont éligibles à plus de droits et de dispositifs. L’isolement social et relationnel - déficit de capital social - est un élément majeur qui peut conduire au non-recours.

     

 

 

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