La région des Hauts-de-France connaît depuis plusieurs décennies une transfor-mation de son tissu productif qui pose des enjeux majeurs afin de concilier mutation économique et progrès social. Les Hauts-de-France sont ainsi marqués par des inégalités de développement humain et de capacités. Ces inégalités, que l’on peut appeler dynamiques, sont dotées d’une forte inertie et de reproduction susceptibles de séparer durablement les habitants des territoires. Là où les difficultés économiques ont été les plus marquées, des territoires ont pu connaitre un réel décrochage, avec de moindres perspectives de progrès social pour les habitants.
Si une montée en niveau des qualifications est observée, un déterminisme social continue néanmoins à creuser les inégalités : les Hauts-de-France se caractérisent par une moindre mobilité intergénérationnelle qu’à l’échelle nationale, quelles que soient les catégories sociales et les diplômes. Ce constat est alarmant pour plusieurs raisons.
Source du graphique : La mobilité sociale en Hauts-de-France, Researchgate, octobre 2018.
Calcul à partir des enquêtes Formations, qualifications professionnelles (2003, 2014-2015, Insee).
Population active âgée de 35 à 60 ans ; individus nés et résidant en France/Hauts-deFrance.
Professions supérieures : cadres et professions intellectue les supérieures, artisans, commerçants et chefs d’entreprise.
Professions d’exécutants : ouvriers et employés
Concrètement, cela signifie que les enfants des classes populaires accèdent difficilement aux classes moyennes et les enfants des classes moyennes aux niveaux supérieurs, et ce dans un contexte national où la mobilité sociale est déjà limitée et en régression (Ben-Halima et al., 2014).
Or, les inégalités sociales déterminent les inégalités d’éducation, donc les inégalités de revenu. Elles ont de plus un effet cumulatif. On les retrouve tout au long du cycle de vie avec pour les classes populaires un risque-chômage plus élevé, des conditions de vie médiocres, un accès aux soins limité et un mauvais état de santé. L’accès à la formation continue est également plus restreint et le niveau de vie à la retraite beaucoup plus faible. Ces inégalités se transmettent aux générations suivantes.
En outre, de nombreuses études ont montré que le milieu social influençait la réussite scolaire : ceci est particulièrement vrai pour la France. Suivant les résultats de l’enquête PISA 2015, et en se fondant sur le rapport des performances (sciences) des élèves issus des catégories (quartiles) socio-économiques supérieures et inférieures, la France apparaît comme le pays de l’OCDE le plus inégalitaire pour les résultats éducatifs à l’âge de 15 ans. De plus, à l’inverse de la plupart des pays, l’inégalité éducative n’a cessé de s’accroître depuis 2003.
L’analyse de la mobilité sociale apparait ainsi comme un outil essentiel dans l’évaluation de la bonne santé sociale et économique d’un territoire. Le cumul et la persistance d’indicateurs socioéconomiques dégradés, ainsi que l’existence d’importantes inégalités sociales et économiques peuvent potentiellement s’expliquer par un phénomène de reproduction intergénérationnelle important, que l’on appelle déterminisme social.
L’analyse de la mobilité sociale intergénérationnelle de la région, réalisée par Nathalie Chusseau, économiste et professeure à l’université de Lille et Valentine Schmitz, doctorante en sciences économiques, a mis en évidence :
- un différentiel région-France important pour la position sociale, malgré une tendance à la hausse de la mobilité sociale en France et en Hauts-de-France ces dernières décennies ;
- cette mobilité intergénérationnelle de position sociale est descendante dans la région (mobilité régionale orientée négative, nulle au niveau national) ;
- un différentiel persistant entre la région et la France pour le niveau d’éducation (part des peu ou pas diplômés plus forte, part des diplômés du supérieur plus faible) couplé à une mobilité sociale intergénérationnelle éducative plus faible.
Ce fort déterminisme social a donc des conséquences sur la réussite scolaire et l’égalité des chances, la répartition des revenus et des richesses, mais aussi sur l’état de santé des individus, leurs conditions de vie comme actifs ou retraités, et leur accès à l’emploi. Il met par ailleurs en péril la cohésion sociale en renforçant le sentiment de défiance à l’égard des autres et de la société.
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En savoir +
La mobilité sociale en Hauts-de-France, Researchgate, octobre 2018
Repères Hauts-de-France n°11, La mobilité sociale en Hauts-de-France (à paraître)