Plateforme sanitaire et sociale : L’emprisonnement n’est pas le seul moyen pour rendre la justice. Pouvez-vous décrire l’alternative existante ?

 

Juliette Soissons : Cette année, à  l’échelle nationale, 251 991 personnes sont placées sous main de justice. Parmi elles, on compte 67 075 détenus. Si le recours à l’emprisonnement en France est massif, les mesures alternatives à l’incarcération sont nombreuses et variées. D’abord, les mesures pré-sentencielles (contrôle judiciaire et assignation à résidence) permettent de contrôler les personnes sous main de justice en attendant leur jugement. Ensuite, les mesures post-sentencielles sont multiples : amendes, jour amendes, confiscation de biens ; avertissements : sursis simple, sursis avec mise à l’épreuve (SME). Il existe également des peines citoyennes, comme les travaux d’intérêt général (TIG pouvant être associés à un sursis avec lise à l’épreuve) ou les stages de citoyenneté, et des peines restrictives de droit. 

Dans les cas où une peine d’emprisonnement ferme est prononcée, il est encore possible de l’aménager : semi-liberté, placement à l’extérieur par exemple, placement sous surveillance électronique, SME, semi-liberté, placement extérieur, suivi sociojudiciaire. L’aménagement peut intervenir  au moment du jugement ou au bout d’un certain temps d’emprisonnement. Le type d’aménagement est proposé par le service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) au juge de l’application des peines (JAP) qui décide ou non de l’accorder. 

 

PF2S : Comment fonctionne ce système d’alternatives ?

 

J. S. : De manière inégale. En matière délictuelle, l’amende est la sanction alternative à l’incarcération la plus prononcée avec 183 898 condamnations en 2010 (31,6 % du total). Elle est suivie par le sursis simple avec 116 927 décisions (20 % du total) puis par le sursis avec mise à l’épreuve avec 55 584 condamnations (9,5 % du total), les jours-amende avec 24 246 condamnations (4,2 % du total) et le TIG avec 15.936 condamnations (2,7 % du total). 

En ce qui concerne les aménagements de peine, le recours au sursis avec mesure alternative est massif puisqu’il représente 74 % de l’ensemble des mesures prononcées en 2011. Le bracelet électronique est également très utilisé comme alternative à l’incarcération. Il concernait environ 10 000  détenus au 1er décembre 2013. 

 

PF2S : Quel est l’objectif de ces alternatives à l’incarcération ?

 

J. S. : Il est double : éviter l’emprisonnement pour diminuer la récidive et prononcer des peines moins coûteuses. Au-delà d’un recours très inégal aux différents types d’alternatives, des problèmes se posent notamment au niveau du délai d’exécution des peines. Dans une perspective plus large, le suivi des mesures se heurte à des difficultés de mise en Å“uvre. Les Spip manquent de moyens humains et matériels et les structures d’accueil sont en nombre insuffisant. Enfin, le recours à l’incarcération reste la référence en matière pénale ce qui montre que le chemin à parcourir est encore long. 

 

PF2S : Peut-on mesurer les effets sur la récidive ?

 

C’est la seule chose mesurée. Mais ce n’est pas parce qu’un condamné ne revient pas devant un tribunal qu’il n’a pas récidivé ! On considère également que la non-récidive est synonyme de réinsertion. Et de ce côté-là non plus, on ne dispose pas d’indicateurs. Ce que l’on peut dire en revanche c’est que la plupart des études menées par les chercheurs français portent davantage sur l’efficacité des mesures d’aménagement de peine, c’est-à-dire des mesures prononcées dans le cadre de l’exécution d’une peine privative de liberté. Ces études montrent que 72 % des sortants de prison ont été recondamnés, contre 59 % des personnes condamnées à un SME-TIG, 58 % des personnes condamnées à un TIG, 52 % à un SME et 39 % à un sursis simple. En l’état actuel des connaissances, on peut conclure à un effet positif des mesures alternatives en matière de récidive, malgré la faiblesse des moyens humains et matériels des services chargés de leur mise en Å“uvre. 

 

PF2S : Quels sont les enjeux actuels et comment ce dispositif prend place dans la réforme de la politique pénale ?

 

J. S. : L’enjeu actuel est la création de la peine de contrainte pénale qui est la mesure phare de la réforme pénale portée par Christiane Taubira. Cette peine serait l’équivalent de ce qu’on appelle la peine de probation dans d’autres pays. L’idée est de transformer les aménagements en une vraie peine pour inciter les magistrats à la prononcer davantage et surtout à éviter les incarcérations. Cela soulève un certain nombre de questions car le suivi des condamnés est en partie axé sur le contrôle criminologique et l’évaluation de la dangerosité au détriment du suivi et l’accompagnement. Je ne suis pas certaine que les méthodes actuarielles (outil statistique prédictif) soient le meilleur outil pour enrayer la récidive. Le dernier enjeu est celui des moyens. À l’heure actuelle, les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) qui prennent en charge les personnes placées sous main de justice sont en sous-effectifs et en surcharge croissante de travail. Nul doute que sans une nette amélioration de leurs conditions de travail, il n’y a que peu d’espoir pour un véritable changement de cap dans le traitement des justiciables. 

 

Propos recueillis par Rémy Caveng, UPJV

 

 

Hyperliens

Chiffres clés de la justice, statistiques mensuelle de la population pénale

 

Fiche 5 de la conférence de consensus. 

 

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